Projection le dimanche 27 avril à 14h30
Anna Marziano a étudié les sciences politiques à Padoue et la photographie au CSC de Rome. En 2009, soutenue par la bourse Filmcommission Friuli Venezia Giulia, elle fréquente les Ateliers Varan et le Fresnoy – Studio National en France, et réalise de nombreux courts métrages. Anna vit actuellement à Berlin et prépare un nouveau film, soutenu par le Goethe-Institut / Max Mueller Bhavan, Bangalore.
Roubaix, 2012. Durant 6 mois, la réalisatrice posait toujours la même question aux passants, leur proposant de se rappeler de paroles adressées dans un passé proche les ayant marqué. 13 plans séquences s’ouvrent sur autant de lieux de passage : sentiers croisés, trottoirs et passages souterrains.
Le film a été sélectionné en 2012 au “Torino Film Festival” en Italie.
Q- Quel est la genese de ce projet et ce film?
La genèse de ce film se trouve au croisement de plusieurs élans. Tout d’abord, je me trouvais à vivre à Roubaix, pour suivre mes études : le lieu m’était étranger, les murs des bâtiments me transmettaient une tristesse dure, certains édifices tombaient en ruines, et le ciel gris trompait mon orientation temporelle. Néanmoins, les gestes des passants — dans les marchés pétillants, dans les bars fumeux du quartier de l’Epeule, dans les terrains vagues qui croisaient la ville — me donnaient une impression de vitalité, à la fois renouvelante ou désespérée, qui me rappelait constamment de la possibilité de recommencement, travail, attention… qui s’oppose à l’inertie de la ruine. Je voulais donc tracer mon passage à travers cet espace en étant présente : mettre en place un cheminement vers les choses les plus proches, et pratiquer l’écoute comme expérience principale.
Du point de vu de mon rapport au cinéma documentaire, j’étais depuis longtemps désintéressée à un approche naturaliste: je cherchais non pas à décrire, raconter ou émouvoir, mais plutôt à activer des lieux et générer des occasions d’intensité, souvent à travers des actions publics. Dans mon travail précédent, « De la mutabilité de toute chose et de la possibilité d’en changer certaines », de lectures dans les espaces publics entrecoupaient le film. Cette fois ci, je ne voulais même pas me poser les limites du dispositif classique du cinéma : je souhaitais me concentrer sur le processus de tournage, pour en suite créer des formes conséquentes.
J’ai commencé par une question. Rues, places, piscines, centres commerciaux…, je posais toujours la même interpellation aux passants, leur proposant de se rappeler de paroles qui leur étaient adressées, dans un passé proche ou lointain. Des mots qui, d’une manière où d’une autre, les auraient marqué. Des mots auxquels on souhaite se rattacher ou que l’on cherche à mettre à distance.
Comment sommes nous changés par les mots des autres ? Comment nos mots agissent sur les autres ? Les enregistrement encourageaient une réflexion sur les identités singulières – plurielles, ainsi que sur la possibilité de réagir librement à un environnement : si nous ne pouvons pas fonder librement notre vie, nous pouvons au moins réagir aux déterminations reçues. Les interactions avec les gens et l’intensité de leurs réponses, m’ont convaincue à continuer les enregistrements.
Q. Comment as-tu rencontré des personnages et leurs récit? Ce travail de son et de récit de vie comment tu l’as construit?
Le glanage de ces phrases faisait partie d’une démarche de sérendipité et curiosité, durée au moins 6 mois. Parfois j’ai rencontré les personnes dans les espaces publics, parfois grâce à la collaboration avec des structures comme la médiathèque de la Ville de Roubaix, le comité de quartier de l’Epeule, l’association Jardin de traverse, les centres sociaux Rue de l’Alma, Basse Masure, Moulin Potennerie, l’école de musique ARA, les cours de théâtre Tous Azimut, et plusieurs bars… L’idée des rencontres dans les espaces publics — surtout dans le centre commercial — jouait aussi avec le côté absurde de faire irruption avec une question exigeante autant qu’inopportune, formulée avec mon français moyen, dans la vitesse chaotique d’un couloir plein du monde et de courses…
Mais il ne s’agitait pas que de faire irruption dans le quotidien : il y avait un véritable travail de tissage à faire, et chaque réalité ouvrait des dynamiques relationnelles différentes. Par exemple, j’ai proposé à la piscine Thalassa de réaliser des enregistrements individuels avec les parents qui attendaient leurs enfants pendant les cours de natation.
En suite, sur proposition du centre social Rue de l’Alma, j’ai organisé des sessions d’enregistrements collectifs : ma pratique d’aller à la rencontre de l’autre et de tisser des liens venez ainsi multipliée et ancrée au territoire. Le Jardin de traverse a accueilli ma proposition très chaleureusement et m’a offert de réaliser des enregistrements dans leur jardin, du moment que cela est un lieu où cultiver mais aussi créer une dynamique de quartier, favoriser les échanges, la sortie de l’isolement, sensibiliser à la citoyenneté active… (Voir photo).
Q -quel travail de son tu as fait ?
J’ai trié cet archive sonore avec l’intention de retravailler les phrases sélectionner pour les rendre plus denses et fragmentaires, comme si la parole n’était que une trace dans ce flux constant d’échanges et mouvements. En suite j’ai composé les phrases entre eux, en cherchant de créer des résonnances et des parcours entre les mots, mais aussi de manière intuitive et musicale. Dans ce travail avec le son, la tension entre la présence et l’absence de parole a quelque chose de vertigineux. Quand j’ai tourné les images, je connaissais déjà presque par cœur les voix off du film.
Q- le choix des lieux que tu as filmé ?
Ils étaient les lieux que je croisais habituellement. Il s’agitait de mettre en avant l’expérience de l’intimité et de l’étrangeté de l’autre, qui s’offre au public dans l’espace ambigu qui se crée entre les voix proches, intimes… et les cadres larges, patientes et anonymes.
Je souhaitais filmer les trajectoires des passants dans ces lieux de passage, de manière de transmettre aussi un sens de mouvement constant et fluide, un étonnement primaire vers les micro – transformations de nos parcours, de nos subjectivités. C’est pour cette raison que j’ai réalisé le prologue avec des images tournées au microscope (Voir photo). Le reste du tournage a été réalisé avec une caméra numérique, qui me permettait de travailler aisément sur la longueur et l’hasard. J’ai appris à aller dans la récolte avec les yeux, la caméra et du temps.
Retrouvons Anna Marziano et ses films :
Au Festival AprèsVaran , les 25, 26 et 27 avril au Festival AprèsVaran et aussi aux Prochains rendez vous d’ Aprèsvaran : AprèsVaran au mois de documentaire aux Ateliers Varan les 1 et 29 novembre 2014