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FRÉDÉRIC GOLDBRONN

Né en 1958 à Paris, il est diplômé de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), puis de l’INTD (Institut National des Techniques de la Documentation, option Audiovisuel), avant de se former à la réalisation documentaire avec les Ateliers VARAN en 1993. Il a réalisé plusieurs films documentaires et publié des essais sur le cinéma documentaire. Depuis 2000, il est directeur de Vidéadoc, le centre de ressources sur la création cinématographique et audiovisuelle, a été responsable des formations pour l’association Images en bibliothèques de 2002 à 2015 et depuis 2014 il est formateur à la réalisation documentaire et membre des Ateliers Varan.

FILMOGRAPHIE

HOMMAGE A LA CATALOGNE ( 2025, 6 8 min.)

adapté de l’œuvre éponyme de George Orwell

Les Films d’Ici (Richard Copans), Histoire TV

Bourse Brouillon d’un rêve (Scam), Grand Prix du projet de documentaire historique des Rendez-vous de

l’histoire (Blois, 2023)

Festival Cinéma du Réel (2025), Rencontres Cinémaginaire (Argelès, 2025), Festival Cinespaña (Toulouse,

2025), Les Rendez-vous de l’histoire (Blois, 2025)

LES FANTÔMES DU SANATORIUM ( 2020, 60 min.)

Les Films Cabane, Lyon Capitale

Aide à l’écriture du CNC

Les Rencontres d’Images documentaires (Centre Pompidou, 2021), Festival Traces de vie (Clermont-Ferrand,

2021), Les Ecrits d’août (Eymoutiers, 2022)

VISAGES D’UNE ABSENTE ( 2013, 95 min.)

Dora films, Inthemood, Télé Bocal

Bourses Scam « Brouillon d’un rêve filmique » et « Brouillon d’un rêve d’écriture » pour

l’adaptation en livre

Edition DVD : Dora films

Edition livre : Scrib’est

Etats généraux du documentaire (Lussas, 2013) / Festival Traces de vie (Clermont-Ferrand, 2013), Festival du

film de famille (Saint-Ouen, 2013)L’AN PROCHAIN, LA RÉVOLUTION (2010, 71 min.)

Cauri Films, Télé Bocal

Edition DVD Docnet

Festival Itinérances (Alès, 2010), Etats généraux du documentaire (Lussas, 2010)

LA MATERNITÉ D’ELNE (2002, 56 min.)

La Compagnie des Taxi Brousse, France 3, Télévision Suisse Romande

Aide à l’écriture du CNC

Edition DVD Docnet

Film inscrit dans le dispositif Lycéens au cinéma, région Languedoc-Roussillon

Festival Traces de vie (Clermont-Ferrand, 2003), Festival du film de Girona (Espagne, 2003), Documentaires

sur Grand Ecran (Paris, 2003), Biennale du cinéma espagnol (Annecy, 2004), Festival Itinérances (Alès,

2005), Festival de Pézenas (2010)

DIEGO (1999, 39 min.)

Cauri Films, Périfilms, TV10 Angers, Planète

Bourse Scam « Brouillon d’un rêve »

Edition DVD Docnet

Sélection française Vue sur les docs (Marseille,1999) / Etats généraux du documentaire (Lussas, 1999) /

Ecrans Documentaires (Gentilly, 1999) / Bilan du film ethnographique (Paris, 2000) / Documentaires sur

Grand Ecran (Paris, 2000) / Biennale du cinéma espagnol (Annecy, 2000) / Festival Résistances (Tarascon,

2000) / Festival de Sitges (Espagne, 2000) / Festival du documentaire de Barcelone (Espagne, 2000) / Festival

de Pézenas (2010)

GEORGES COURTOIS, VISAGES D’UN RÉFRACTAIRE (1996, 52 min.)

Lazennec Bretagne, Les Films d’Ici, Périphérie Production, France 3, RTBF, Planète

Aide à l’écriture du CNC

Documentary Award CIRCOM 1997 (Conférence Européenne des Télévisions Régionales de Service Public.

Szeged, Hongrie) / Prix du documentaire au Festival de Cinéma de Douarnenez. 1997 / Sélection française

Vue sur les docs (Marseille, 1997)

LA TOISON D’OR (1993, 17 min.)

Ateliers Varan

Festival Traces de vie (Vic-le-Comte, 1993) / Bilan du film ethnographique. (Paris, 1994)

AUTRES

Directeur de Vidéadoc (2000 à 2021)

(Centre de ressources sur la création cinématographique et audiovisuelle).

Formateur à la réalisation documentaire pour les Ateliers Varan.

Responsable des formations pour l’association Images en bibliothèques (2002-2015)

.Publications :

– Collaboration à la revue Images documentaire et à la collection « Cinéma documentaire » aux

éditions L’Harmattan.

– « Le documentaire de création est-il soluble dans le marché ? » E-Dossiers de l’audiovisuel, Ina

expert, 2013.

– « La porte étroite du passé » Écritures de la révolution et de la guerre d’Espagne, revue Exils et

migrations ib é riques aux XXe et XXIe si è cles, 2019.

FORMATION

1993 – Ateliers VARAN (réalisation de films documentaires)

1985 – Diplôme de l’INTD

(Institut National des Techniques de la Documentation, option Audiovisuel)

1984 – Diplôme de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales)

Hommage à la Catalogne

Article de Jean-Michel Frodon

Hommage à la Catalogne

France
Réalisation : Frédéric Goldbronn
Production et distribution : Les Films d’Ici, 2025 69 min

« Quelque chose de singulier et de précieux » écrira George Orwell pour tenter de qualifier ce qu’il a rencontré à Barcelone lorsqu’il y arrive en décembre 1936. Dits par la voix de Bruno Podalydès, ce sont les mots de l’écrivain anglais dans Hommage à la Catalogne, le livre de 1938 qui raconte ses six mois dans l’Espagne en guerre, comme milicien du POUM, le mouvement communiste antistalinien dont Orwell était déjà proche et dont il rejoindra ensuite la branche britannique, l’Independent Labour Party.

Dans le film qui porte le même titre que le livre, des fragments de celui-ci racontent les principaux épisodes de cette phase de la guerre d’Espagne à laquelle Orwell a été mêlé, tels qu’il les a vécus, mais aussi le quotidien, les idées auxquelles il songe, des réflexions politiques et morales. A l’image, un montage très riche d’archives d’époque – films et photos – participent de la proposition singulière de Frédéric Goldbronn, avec le double mérite de rendre lisible et surtout sensible un moment historique marquant, et de proposer une forme cinématographique plus singulière qu’il n’y paraît, dans sa manière d’agencer paroles et images.

Sans effets de manche stylistiques, le film construit en effet une subtile mise en perspectives, perspectives multiples qui répondent au plus juste au texte et à l’état d’esprit d’Orwell. Celui- ci, dans son livre, se situe en effet constamment sur différents niveaux. Ecrit à la première personne du singulier, il tisse ensemble considérations intimes et notations sur l’état de son propre corps, réflexions sur les comportements concrets des individus qu’il rencontre, tentative revendiquée d’une relation sensorielle des situations auxquelles il a affaire – à Barcelone dans l’enthousiasme du soulèvement libertaire du deuxième semestre 1936, sur les différentes affectations de son détachement sur le front d’Aragon au premier trimestre 37, lors de l’écrasement des anarchistes par les troupes de la République sous influence soviétique en mai, lors de son bref retour au front jusqu’à sa grave blessure au cou, puis sur le chemin de l’Angleterre qu’il retrouve, aveugle et sourde à ce qui se joue en Espagne.

Mais l’écriture d’Orwell rendant compte de ce semestre dont il dit qu’il l’a changé pour le reste de ses jours, sait à la fois détailler les changements de comportement quotidien dans le sens d’une plus grande égalité durant les quelques mois où la Catalogne vit selon les idéaux libertaires, et analyser le double horizon sur lequel s’inscrit la guerre contre les Franquistes, contre la montée des fascismes qui mènent l’Europe et le monde à la guerre, et comme hypothèse de rapports humains non définis par l’argent et le capitalisme. Et elle sait évoquer toutes ces dimensions sans se départir d’un regard critique, y compris envers ceux dont il est proche et aux côtés de qui il s’engage, et d’une constante ironie dont il est lui-même la première cible.

C’est le génie propre de Hommage à la Catalogne, le livre, d’être une si fidèle relation des lumières, immenses, et des ombres, nombreuses, qui ont marqué le combat auquel il a participé, sans transiger jamais quant à l’exigence absolue du combat contre le fascisme, contre toutes les formes d’oppression et contre le totalitarisme, mais sans verser dans le lyrisme romantique et volontiers myope sur les travers et les impasses de son propre camp. Les fragments prélevés par Goldbronn dans le texte traduisent ces multiples registres, tout en rendant justice à la multiplicité des enjeux réfléchis, parfois comme en passant, par Orwell, qu’il s’agisse de la situation des femmes (et du comportement des hommes, tout révolutionnaires libertaires soient- ils, envers les femmes), de la singularité de la question paysanne, du rapport à la religion où il analyse finement le passage de la foi chrétienne à la « foi » anarchiste face une hiérarchie catholique depuis si longtemps entièrement du côté des oppresseurs.

A cette richesse des approches et des registres fait écho l’assemblage des images. Sauf de rares exceptions, par exemple une photo de miliciens du POUM faisant l’exercice dans la cour de la caserne Lénine à Barcelone parmi lesquels on reconnaît le visage et la longue silhouette d’Orwell, ces riches archives visuelles n’illustrent pas littéralement le texte On perçoit bien qu’elles n’ont pas nécessairement été enregistrées sur le lieu évoqué, ou au même moment. C’est comme s’il circulait de l’air entre les phrases de l’écrivain et les très nombreuses scènes récupérées grâce à l’usage important des caméras et des appareils photos par les Républicains espagnols, notamment de la CNT-FAI, et grâce au travail de conservation de l’association REDHIC (Recherche & Documentation d’Histoire contemporaine) consacrée notamment à la mémoire visuelle du mouvement révolutionnaire espagnol.

Ces espaces devinés entre textes et images (rien ne vient énoncer la littéralité de l’association entre l’image d’une gare et la description du départ pour le front, entre les images d’une église en ruine et la description par Orwell de celle où il dut se cacher pour échapper aux sbires du gouvernement républicain après l’écrasement du mouvement libertaire catalan, l’interdiction du POUM et l’exécution de ses dirigeants) font écho aux multiples niveaux d’énonciations, de descriptions, de réflexions du texte. L’assemblage des séquences, dont nombre de documents rarement ou jamais vus, insiste sur deux des dimensions qui importaient tant à Orwell. D’une part les visages, la présence humaine singulière de ces dizaines de milliers d’hommes et de femmes impliqué(e)s corps et âme dans un combat inédit, et peut-être sans exemple dans l’histoire. Et d’autre part la relation sensorielle aux réalités du soulèvement révolutionnaire, passées les journées insurrectionnelles (auxquelles Orwell n’a pas assisté). Plus encore que les tournants de la grande histoire, les documents montrent le quotidien où il s’agit de manger, de produire, de rire et de discuter, évoquent le froid et la boue sur le front, soulignent les questions du paraître, qui sont parfois questions de vie ou de mort associées aux apparences, aux vêtements, au vocabulaire utilisé.

Le parcours de cinéaste de Frédéric Goldbronn s’est en grande partie construit autour de questionnements sur les effets des images pour percevoir les événements historiques et leurs effets dans le présent. En écho à son film de 2001 Diego, entretien avec un des derniers témoins de l’expérience libertaire catalane, Diego Camacho (aussi connu, comme écrivain et notamment biographe de Durutti, sous le nom d’Abel Paz), en faisant commenter à celui-ci des photos d’époque, son Hommage à la Catalogne apparaît comme un aboutissement de cette recherche, qui porte sur les hommes et sur les faits, mais aussi sur le temps.

Riche en informations et en rappels de ce moment exceptionnel que fut la révolution libertaire catalane, le film est animé par une complexité du rapport au temps qui était déjà présente chez Orwell, mais démultipliée par les choix visuels et le montage. Il y a dans le livre, écrit quelques mois après le retour d’Espagne, une étrange et féconde circulation entre les points de vue temporels, du vécu sur le vif, de l’anticipation, de la conscience rétrospective d’illusion, une forme de mélancolie pour ce qui aurait pu être, a failli, n’a été qu’une apparence transitoire, ou s’est retourné sous l’effet de dynamiques historiques et du cynisme de la realpolitik. Elle mène jusqu’à la prémonition, formulée par Orwell en 1938, du Blitz écrasant sous les bombes allemandes Londres qui n’a pas voulu s’intéresser au sort du gouvernement légal de l’Espagne en 1936.

Cette circulation entre les temporalités se retrouve, étendue et actualisée, chez Goldbronn. Elle est redéployée par les choix du cinéaste dans le texte d’Orwell, qui est bien plus touffu, pour souligner à la fois le sentiment d’un irréductible « ça a été » dont il importe de ne pas laisser effacer la mémoire, la lucidité sur combien a été transitoire l’état de grâce libertaire, même imparfait, dont l’écrivain a éprouvé les manifestations, et l’affirmation du rôle de modèle pour un avenir à construire que ce moment incarne. Dans le film, cette mise en écho des temporalités est intensifiée en finesse par la remarquable composition musicale et le design sonore associant fragments de chants révolutionnaires, bouffées de free jazz et sons réalistes. L’histoire d’un homme, l’histoire d’un combat, l’histoire d’une idée, et leurs légendes, non au sens

d’affabulation mais d’extension à d’autres dimensions, s’y déploient en rendant vivante cette phrase magnifique de George Orwell de retour d’Espagne, à la fin du livre. Tout en s’auto- dénigrant comme il aime à le faire, il constate que toute l’affaire espagnole tourne au désastre, un désastre qui ne s’arrête pas aux frontières du pays. Il affirme pourtant ne rien regretter de son engagement et l’absolue nécessité de ne pas se soumettre, mais proclame combien l’expérience lui aura transmis « une foi accrue dans la dignité des êtres humains »Jean-Michel Frodon

Diego

Comment, du fond d’un bar de Barcelone, un vieil homme, qui n’a renoncé à rien, refait revivre la seule révolution prolétarienne occidentale, celle de juillet 1936, celle que saluera plus tard l’écrivain Georges Orwel dans son Hommage à la Catalogne.

Edouard Waintrop, Libération 26/02/2000

Ce film réussit le beau pari de donner à voir la fabrication d’une mémoire, qui en se reconstituant devant nos yeux, accède à la postérité. Ici le documentariste se fait passeur d’humanité.

Emmanuel Chicon, L’humanité 20/02/2000

Frédéric Goldbronn se met avec rigueur au service de cette parole exceptionnelle et signe l’un de ses meilleurs films.

Simone Vannier, Documentaire sur grand écran.

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